Selon les membres du corps scientifique de l’Ugtt, la situation difficile que traverse la Cnam nécessite le retour sur la table de dialogue avec ses partenaires financiers et sociaux principaux, à savoir la Cnss et la Cnrps, pour renflouer ses caisses devenues exsangues, faute de financement suffisant, allant jusqu’à impacter la qualité des soins et des prestations globales de santé en Tunisie.
Le bureau syndical de l’Union maghrébine a abrité hier matin, à Tunis, une conférence de presse organisée par l’Union générale des travailleurs tunisiens. A l’ordre du jour, un état des lieux critique des caisses sociales, notamment la Cnam, dont la situation est devenue particulièrement inquiétante avec le cumul des dettes, et ce malgré des décisions d’ajustement et d’amélioration prises en 2017 et 2018.
La seule alternative dans le contexte actuel des finances reste le dialogue social par les différents intervenants dans la sécurité sociale en Tunisie. A savoir les principaux instigateurs et sources de financement : la Caisse nationale de sécurité sociale, la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale et la Caisse nationale d’assurance maladie.
Les aléas du surendettement
Ainsi un rapport du département de la protection sociale et de l’économie non structurée relevant de l’Ugtt a été présenté hier à l’assistance, avec les derniers résultats d’activités des caisses sociales tunisiennes. Le rapport dévoile, notamment la situation financière de la Cnam, ainsi que la réalité de la santé et de la sécurité au travail en Tunisie. Pr Salah Boulaabia, professeur de médecine et expert auprès du département de la sécurité sociale et du secteur informel de l’Ugtt, a avancé les premières conclusions tirées du rapport : « La situation financière de la Cnam est préoccupante vu le manque de liquidités, faute de transfert des cotisations à la fois des salariés et des employeurs de la part de la Cnss et de la Cnrps ». La Cnam a des difficultés à rembourser ses adhérents à cause du retard ou du non versement des cotisations par les deux caisses pourvoyeuses de fonds. Ainsi, le total des montants des cotisations reçues et non transférées par les deux caisses au 30 septembre 2023 s’élève à 9109 MD (Millions de Dinars), répartis à raison de 7021 MD pour la Cnss et 2088 MD pour la Cnrps. « Ces dettes entraînent des répercussions catastrophiques par rapport aux prestations qu’accorde la Cnam. Cette dernière occupe une place prépondérante dans le système sanitaire tunisien, en tant qu’organisme de financement », poursuit Adnène el Hajji. Les dettes auprès des prestataires de santé s’élèvent à 1491 MD pour les structures publiques de la santé, la Pharmacie centrale 456 MD et les assurés sociaux 199 MD. « Ce qui impacte la qualité de fonctionnement de ces structures publiques avec un manque de qualité de soins et de moyens pour proposer des services de santé adéquats auprès des citoyens tunisiens ».
Il décrit une chaîne inébranlable avec ses défauts de fonctionnement, malgré les efforts fournis par la famille tunisienne qui fait souvent face à des dépenses imprévues et au recours à l’automédication quand les moyens font défaut, etc.
Stopper l’hémorragie
Les solutions ont été activées déjà par le passé, à travers un dialogue social fructueux en 2017. Cela a abouti à une commission de la protection sociale qui a travaillé sur la réforme de la Cnrps. Des résultats tangibles ont été obtenus et la Loi de 2019 a amélioré la situation, avant de retomber dans de nouvelles difficultés à la suite des décisions du 25 juillet 2021. La réforme de la Cnss non réalisée jusqu’à ce jour, avec des prévisions de retour à l’équilibre des caisses annoncées en 2018 qui n’ont pas abouti, ont compliqué la donne en matière de sécurité sociale en Tunisie, avec 5 ans de retard et qu’il faut rattraper au plus vite. « Il faut arrêter l’hémorragie en revenant au dialogue social, parce que les partenaires sociaux n’ont qu’un but : réaliser le retour à l’équilibre financier des caisses et trouver les moyens pour résorber la situation », termine sur une note d’optimisme M. Boulaabia.
Une meilleure interaction professionnelle
Enfin, le principal intervenant, Othman Jallouli, secrétaire général adjoint de l’Ugtt, a réitéré la nécessité de relancer le dialogue social pour permettre un retour progressif vers le bon fonctionnement et une meilleure interaction professionnelle entre les différentes caisses sociales du pays. Il estime qu’outre le dialogue national d’obédience politique qui rassemble généralement un nombre plus important de partenaires nationaux, celui-ci se veut plus relatif et mesuré, se cantonnant au strict cercle social avec le recours une nouvelle fois au dialogue social entre la Cnam et les deux caisses centrales, la Cnss et la Cnrps. Une manière d’être plus performant dans l’action et efficace dans la durée. Othman Jallouli, chargé également de la sécurité sociale et de l’économie non structurée, est revenu sur la dégradation du secteur de la sécurité sociale, notamment avec l’interruption du dialogue social et a exigé le remboursement des dettes des prestataires de services auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie, en l’occurrence les établissements de santé publique et les cotisations des assurés sociaux. Pour Othman Jallouli, le ministère des Affaires sociales « a échoué dans la plupart de ses programmes en matière de sécurité sociale », l’appelant à consulter les partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne la transformation des caisses sociales en institutions financières, l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ou la gestion des biens fonciers des caisses sociales. Le responsable syndical a aussi appelé à l’augmentation du salaire minimum, à la révision périodique des pensions de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) et à abroger la loi relative à la cotisation des retraités.
Ce dernier a insisté sur la reprise des réformes comme elles ont été entamées en 2017 pour remettre à flot les trois caisses sociales.